Aliénor d'AquitaineAliénor d’Aquitaine, détail
Aliénor d’Aquitaine (dite également
Éléonore de Guyenne), née en
1122 ou
1124 et morte le 31 mars ou le
1er avril 1204, à
Poitiers — et non à l'
abbaye de Fontevraud — duchesse d’Aquitaine, occupe une place pivot dans les relations entre royaumes de France et d’Angleterre au
XIIe siècle : elle épouse successivement le roi de France
Louis VII, puis le futur roi d’Angleterre,
Henri II, renversant le rapport des forces en apportant sa dot à l’un puis à l’autre des deux rois.
En tenant une cour fastueuse dans son domaine aquitain, elle favorise l'expression poétique des
troubadours.
À la fin de sa vie, elle joue un rôle politique important dans l’Occident.
L’héritière d’AquitaineArmes du duché de Guyenne,
De gueules, au léopard d'orAliénor d'Aquitaine est la fille aînée de
Guillaume X, duc d’Aquitaine, lui-même fils de
Guillaume IX le Troubadour, et d’
Aénor de Châtellerault, fille de
Aymeric Ier de Châtellerault, un des vassaux de Guillaume X.
Aliénor, "l'autre Aénor" en
langue d'oc, est ainsi nommée en référence à sa mère Aénor.
Le prénom devient Eléanor en
langue d'oïl.
Elle reçoit une éducation soignée, celle d’une femme noble de son époque, soit à la cour d’Aquitaine, l’une des plus raffinées du
XIIe siècle, celle qui vit naître l’
amour courtois (le
fin amor), entre les différentes résidences des ducs d’Aquitaine :
Poitiers,
Bordeaux, le
château de Belin où elle serait née, soit encore dans un monastère féminin.
Elle apprend à lire et à écrire le
latin, la
musique et la littérature de l’époque, mais aussi à monter à cheval et à chasser.
Elle devient l’héritière du domaine aquitain à la mort de son frère Guillaume Aigret, en
1130.
Lors de son quatorzième anniversaire (1136), les seigneurs d’Aquitaine
lui jurent fidélité. Son père meurt à 38 ans (1137), le
Vendredi saint lors d’un pèlerinage vers
Saint-Jacques de Compostelle. Elle épouse alors l’héritier du roi de France
Louis VI, le futur Louis VII.
Deux versions sur la conclusion de ces noces sont possibles : soit, craignant que sa fille soit enlevée (et épousée) par un de ses vassaux ou de ses voisins, le duc Guillaume avait proposé au roi de France, avant de mourir, d’unir leurs héritiers. Soit le roi fait jouer la tutelle féodale que le
suzerain détient sur l'orpheline héritière d'un de ses vassaux, et la marie à son fils (voir
mariage oblique).
Le domaine du roi de France s'accroît de ces terres entre Loire et Pyrénées ; mais le duché d’Aquitaine n’est pas rattaché à la
Couronne, Aliénor reste duchesse, et l'éventuel fils aîné du couple sera titré
roi de France et duc d’Aquitaine, la fusion entre les deux domaines ne s’opérant qu’une génération plus tard.
Les noces ont lieu le
25 juillet 1137 à
Bordeaux entre le futur roi de
France Louis VII.
Comme de coutume, les festivités de mariage durent plusieurs jours, au palais de l’Ombrière à proximité de Bordeaux, et se répètent tout au long du voyage vers
Paris. La nuit de noces a lieu au château de
Taillebourg, les époux sont couronnés ducs d’Aquitaine à la
cathédrale Saint-Pierre de Poitiers (aujourd’hui remplacée par une cathédrale gothique) le 8 août.
Ils apprennent la mort de Louis VI pendant le voyage.
La reine de FranceContre sceau de Louis VII en duc d'Aquitaine.
Aliénor est couronnée reine de France à Noël
1137 à
Bourges (son époux avait déjà été sacré du vivant de son père, à l’âge de neuf ans, mais il est recouronné). Très belle, d’esprit libre et enjoué, Aliénor déplaît à la cour de France, plus froide et réservée ; elle est critiquée pour sa conduite et ses tenues indécentes, tout comme ses suivantes et tout comme une autre reine de France venue du Midi un siècle plus tôt,
Constance d’Arles.
Ses goûts luxueux (des ateliers de
tapisserie sont créés, elle achète beaucoup de bijoux et de robes) étonnent.
Les troubadours qu’elle fait venir ne plaisent pas toujours :
Marcabru est renvoyé de la cour pour avoir exprimé son amour pour la reine.
Certains historiens attribuent ces critiques à l’influence qu’elle aurait sur le roi.
Celle-ci est difficile à démontrer selon Labande.
Le jeune couple (ils ont tous deux moins de vingt ans) prend plusieurs décisions inconsidérées :
- après la constitution de Poitiers en commune, la ville est prise
sans effusion de sang par Louis VII, qui exige que les bourgeois
livrent leurs enfants en otage ; l’abbé Suger intervient pour lui faire
renoncer ;
- après cette intervention de Suger dans le domaine de la jeune reine, celle-ci l’écarte du conseil ;
- Louis VII soumet Guillaume de Lezay, qui avait refusé l’hommage à Poitiers ;
- dans une expédition sans lendemain en 1141, il tente de conquérir Toulouse, sur laquelle Aliénor estimait avoir des droits (de sa grand-mère Philippa de Toulouse) ; pour le remercier, Aliénor lui offre un vase taillé dans un bloc de cristal, monté sur un pied d’or et orné de pierreries et de perles ; il est encore aujourd’hui visible au Louvre, et avait été donné à son grand-père par le roi de Saragosse Imad al-Dawla ;
- elle pousse le roi à faire dissoudre le mariage de Raoul de Vermandois, pour que sa sœur Pétronille d'Aquitaine, amoureuse, puisse l’épouser, ce qui causa un conflit avec le comte de Champagne, Thibaut IV de Blois, frère de l'épouse délaissée.
Au cours de ce conflit, la ville de
Vitry-en-Perthois est prise, et l’église dans laquelle s’étaient réfugiés ses habitants est incendiée. L’
interdit est jeté sur le royaume, et le couple n’a toujours pas d’enfant (Aliénor a fait une fausse-couche en
1138). Pour faire lever cet interdit, comme pour obtenir du Ciel une naissance, elle pousse Louis VII à participer à la
deuxième croisade et l'accompagne, comme c’était habituel, la croisade étant un pèlerinage.
Deux filles sont nées de ce mariage :
Durant toute cette période, l’analyse des chartes montre une assez faible implication d’Aliénor dans le gouvernement : elle est là pour légitimer les actes.